Une ère de modernité

HISTOIRE. En 2023, le Carrefour de l’Estrie célébrait son 50e anniversaire. Selon le Musée d’histoire de Sherbrooke, son lieu, qui mélange à la fois l’économie, le divertissement et la modernité des Sherbrookois, a su marquer la population dès ses débuts en 1973.

Alors que les centres d’achats se créent un peu partout au Québec dans les années 60 et Sherbrooke n’échappe pas à la tendance. Dans cette période, on voit notamment les Promenades King, le Plaza Rock Forest et la Place Belvédère s’intégrer dans le paysage sherbrookois. Sherbrooke désirait devenir un « pôle attractif et majeur », indique David Lacoste, directeur général du Musée d’histoire de Sherbrooke.

« Il y avait une volonté d’avoir un centre d’achats suprarégional qui séduirait les gens de la région, on parlait même d’attirer des personnes jusqu’au Vermont », raconte-t-il.

le carrefour a été conçu, à la fois avec un but économique des promoteurs, mais également avec une intention de faire de Sherbrooke une ville moderne. « L’émergence des centres d’achats était un signe de modernité autant pour la ville que pour les gens de la société. C’était une façon de se positionner au même niveau que les grandes villes », explique M. Lacoste.

Son emplacement a été déterminé en fonction de son accessibilité par l’autoroute des Cantons de l’Est. Le parc industriel et le plateau Saint-Joseph ont d’ailleurs été des options d’établissement du lieu commercial. Au fil des années, les artères et les quartiers résidentiels se sont développés autour.

« Dans les années 70, on construit le Carrefour de l’Estrie et on est quasiment dans un champ ou une forêt. Il n’y avait pas de quartier ni en avant ni en arrière. Il est situé sur le bord de l’autoroute, ce qui facilite le transport et l’accessibilité », soulève M. Lacoste.

C’est le 10 octobre 1973 que le Carrefour de l’Estrie ouvre officiellement ses portes à la clientèle. À l’époque il comptait 50 commerces variés. C’est le magasin Simpsons-Sears, qui a créé à lui seul 400 emplois, qui s’est ouvert en premier.

Le deuxième étage a été construit plus de dix ans plus tard, en 1985, où l’offre est passée à 180 magasins en plus de l’apparition de la foire alimentaire. Aujourd’hui, le carrefour compte 150 boutiques et restaurants, dont plusieurs à l’extérieur du bâtiment principal comme la SAQ, le BestBuy et le Moores.

Déplacements commerciaux

Alors que les magasins de la région sont situés au centre-ville de Sherbrooke sur les rues Wellington, Alexandre et Belvédère, pour nommer que celles-ci, l’arrivée du Carrefour de l’Estrie ne réjouit pas la Chambre de commerce de Sherbrooke.

« Dans les années 60, elle n’était pas favorable à l’arrivée d’un centre suprarégional, parce que ce qu’elle se dit que ça va faire fermer les boutiques de la rue Wellington et du centre-ville. Le Carrefour marque l’arrivée des grandes chaînes et fera partir des boutiques qui iront s’installer au centre d’achats. Avec le recul, on ne peut pas lui donner tort », raconte le directeur du -Mhist.

Par exemple, la chocolaterie Laura Secord, avait une boutique sur le coin des rues King Ouest et Wellington Sud et s’est déplacée au Carrefour en 1973. Tout comme la chocolaterie, le Pantorama, le Reitmans et le Silhouette font partie des huit magasins qui sont présents depuis le départ du centre d’achats.

Le Carrefour de l’Estrie a tranquillement incité les commerces à se déplacer et a également encouragé les citoyens à s’établir dans son secteur.

Place au divertissement

Dans les années 70-80, le carrefour était un lieu culturel de prédilection à Sherbrooke avec sa salle de cinéma, son endroit pour faire des spectacles et ses divers événements intérieurs et extérieurs.

Le Famous players, qui était situé où se retrouvent présentement les magasins de vêtements H&M et Garage, avait trois salles de cinéma comparativement à d’autres en ville qui en avaient qu’une seule. « Au niveau technique, il y avait une particularité au -Carrefour qui faisait en sorte que c’était le cinéma le plus moderne en ville en 1973. À l’époque, tant qu’à ouvrir des centres d’achats, on ouvrait aussi des cinémas dans ceux-ci », amène M. Lacoste en soulignant que plusieurs films à succès ont été projetés au Carrefour jusqu’en 2000.

Le centre commercial transformait fréquemment son mail central en salle de spectacle. Les Sweet Boys, Michèle Richard et plusieurs artistes québécois en tournée à travers la province ont monté sur la scène du Carrefour de l’Estrie.

« Le milieu culturel à Sherbrooke s’est ajusté et s’est déplacé en 50 ans », ajoute M.Lacoste. L’évolution du centre d’achat explique en partie la disparition de ces éléments de divertissement.