Coopérative d’habitation : un avis de proposition qui fait jaser
HABITATION. Des membres de la direction de plusieurs coopératives d’habitation ont critiqué l’avis de proposition de la conseillère du district du Pin-Solitaire, Hélène Dauphinais, qui souhaite ajouter un seuil de revenu maximal pour accéder à un logement dans une coopérative.
La conseillère espère ainsi que ces logements soient réservés aux personnes à faibles revenus en incluant une clause qui » obligerait les organismes à vérifier le revenu des ménages tous les deux ans » et qui forcerait ceux qui dépassent le seuil à quitter le logement.
» Quand je pense qu’il y a dehors une famille qui gagne 30 000 $ et qui est obligée de payer le prix fort sur le marché privé, ça m’empêche presque de dormir « , a mentionné Mme Dauphinais.
Au total, il y a plus de 3 700 logements sociaux et communautaires sur le territoire de Sherbrooke. Selon les données disponibles, plus de 15 000 ménages ont un revenu inférieur à 30 000 $.
De son côté, le directeur général de la Coopérative d’habitation des Cantons de l’Est, Philippe Grenier, est venu au conseil municipal mardi (3 septembre) pour défendre » l’importance de la mixité « .
» On remet en question la pertinence de la proposition. On laisse entendre que tous les ménages à faible revenu doivent rester au même endroit. Nous croyons que cela pourrait recréer le phénomène des ghettos des HLM des années passées. Nous croyons énormément à la mixité des revenus. Sur le terrain, je ne constate pas de personnes qui profiteraient du système en gagnant un salaire élevé « , estimait ce dernier.
Même son de cloche de la part du directeur général de la Fédération des coopératives d’habitation de l’Estrie (FCHE), Guillaume Brien, qui pense que la proposition de l’élue sherbrookoise fait fausse route.
» Le modèle de mixité est la force de ce système qui existe depuis 50 ans. Est-ce un avantage que la Ville se mette à gérer un plafond de revenus ? Nous pensons que cette question relève du provincial « , de mentionner M. Brien.
» On nous demande de nous impliquer beaucoup plus dans le financement de logements communautaires et dans la construction de logements. Il ne faut pas perdre de vue l’objectif de base. Si je décide de rester dans la coopérative après avoir amélioré ma situation financière, j’occupe un logement qui pourrait servir à d’autres ménages « , a signalé Mme Dauphinais. Elle s’est dit contente que son avis de proposition ait pu » ouvrir le débat » et ouverte à discuter avec les différents partenaires pour mieux comprendre les réalités sur le terrain.
Du côté des élus, les réactions des membres de Sherbrooke Citoyen ont été vives, se questionnant même sur la légalité d’une telle proposition.
» Ce ne sont pas seulement les personnes pauvres qui ont de la difficulté à se loger : il y a des jeunes qui n’arrivent pas à quitter le nid familial, des familles monoparentales, des personnes qui perdent leur emploi. Si on regroupe toutes les personnes pauvres dans le même quartier, on crée de la ghettoïsation ; c’est un modèle qui ne fonctionne pas. Je ne pense pas que nous devrions faire travailler les équipes sur cette question « , a mentionné la conseillère de l’Hôtel-Dieu, Laure Letarte-Lavoie.
La mairesse de Sherbrooke s’est positionnée contre la proposition de l’élue indépendante.
» Je ne suis pas en faveur de demander un avis juridique sur quelque chose d’aussi évident. Je crois surtout au modèle de mixité et non à un logement réservé uniquement aux personnes à faible revenu. Je pense que le débat que nous avons va entretenir des préjugés vis-à-vis des personnes qui habitent dans un modèle coopératif « , a indiqué Évelyne Beaudin.
Au final, aucun vote n’a eu lieu, le greffier ayant décidé de solliciter un avis juridique.