Joly: Les diplomates indiens qui n’ont pas été expulsés «sont clairement prévenus»

OTTAWA — Le Canada n’exclut pas d’expulser d’autres diplomates de l’Inde, a suggéré vendredi la ministre des Affaires étrangères, Mélanie Joly, à la suite d’allégations importantes selon lesquelles des diplomates indiens à Toronto, Ottawa et Vancouver étaient impliqués dans des violences soutenues par leur gouvernement visant des citoyens canadiens.

Le Canada a expulsé lundi le haut-commissaire indien et cinq autres diplomates. Questionnée vendredi lors d’une conférence de presse à Montréal sur l’éventualité de prochaines expulsions, Mme Joly n’a pas dit non.

«Ils sont clairement prévenus», a-t-elle déclaré.

La ministre a affirmé que le Canada ne tolérera aucun diplomate étranger qui met en danger la vie des Canadiens.

Il y a un an, le premier ministre Justin Trudeau a déclaré que le Canada avait des preuves claires que des agents indiens étaient liés au meurtre du leader sikh Hardeep Singh Nijjar en Colombie-Britannique en juin 2023. Ces allégations suggèrent que l’Inde tente d’étouffer un mouvement qui vise la création d’un État sikh indépendant en Inde, connu sous le nom de Khalistan.

Lors d’une conférence de presse lundi, le commissaire de la Gendarmerie royale du Canada Mike Duheme a encore ébranlé les relations diplomatiques, affirmant que la police nationale avait lancé en février dernier une unité spéciale pour enquêter sur de multiples cas d’extorsion, de coercition et de violence, y compris des meurtres, liés à des agents du gouvernement indien.

Dans plus d’une douzaine de cas, des citoyens canadiens ont été avertis de menaces à leur sécurité et M. Duheme a indiqué que la GRC a pris la parole pour tenter de perturber ce qu’elle considérait être une menace grave à la sécurité publique.

Les six diplomates expulsés sont des personnes d’intérêt dans ces affaires, qui auraient utilisé leur position pour recueillir des informations sur les Canadiens membres du mouvement pro-Khalistan et les transmettre ensuite à des gangs criminels qui ont ciblés directement ces individus.

L’Inde a nié les allégations et expulsé six diplomates canadiens de New Delhi après la décision du Canada d’expulser le haut-commissaire indien et cinq autres diplomates.

La ministre Joly a indiqué vendredi que ces allégations étaient extraordinaire au Canada.

«Ce niveau de répression transnationale ne peut pas se produire sur le sol canadien, a-t-elle déclaré. Nous l’avons vu ailleurs en Europe, la Russie l’a fait en Allemagne et au Royaume-Uni, mais nous devions rester fermes sur cette question.»

Les allégations seront étudiées plus en détail par le comité de la sécurité nationale de la Chambre des communes après un vote du comité vendredi. Mme Joly et M. Duheme seront tous deux invités à comparaître, tout comme le ministre de la Sécurité publique, Dominic LeBlanc.

Le député néo-démocrate Alistair MacGregor, qui a présenté la motion pour lancer l’étude, a déclaré que le fait que la GRC ait fait de telles «révélations explosives» souligne la gravité de la situation.

«La GRC a souligné qu’elle faisait cela parce que certaines personnes au Canada avaient leur vie directement en danger et que la menace avait atteint un tel niveau qu’elles se sentaient obligées d’ignorer la manière traditionnelle de passer par le processus judiciaire et de rendre ces accusations publiques».

Les allégations du Canada ont été suivies jeudi par des accusations annoncées par le ministère américain de la Justice contre un employé du gouvernement indien accusé d’un complot déjoué visant à tuer un leader séparatiste sikh vivant à New York.

Les autorités américaines affirment que Vikash Yadav a dirigé le complot de New York depuis l’Inde. Il fait face à des accusations de meurtre prémédité via tueur à gages qui, selon les procureurs, devait précéder une série d’autres meurtres à motivation politique aux États-Unis et au Canada.

Le gouvernement indien n’a pas immédiatement fait de commentaire sur l’accusation américaine.

L’avocat américano-canadien Gurpatwant Singh Pannun, qui possède la double nationalité canadienne et américaine, a déclaré dans un communiqué qu’il était la cible du complot présumé de meurtre à New York. Il a ajouté qu’il était pris pour cible parce qu’il est avocat pour Sikhs for Justice et qu’il aidait à organiser des votes dans le cadre d’un référendum non contraignant sur la création d’un État sikh indépendant.

M. Nijjar avait aidé à organiser un référendum similaire en Colombie-Britannique avant sa mort.

La commission de la Chambre a également voté vendredi pour appeler le maire de Brampton, Patrick Brown, ainsi que d’autres candidats à la course à la direction du Parti conservateur de 2022 à témoigner. Un rapport publié en juin par le Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement (CPSNR) contient un paragraphe expurgé qui détaille l’ingérence présumée de l’Inde dans une course à la direction du Parti conservateur. Une année spécifique n’est pas mentionnée.

Les conservateurs ont indiqué n’avoir reçu aucune information sur une telle ingérence.

Débat sur les autorisations de sécurité

Les députés débattent également d’une deuxième motion du NPD qui vise à ce que tous les chefs de parti demandent une autorisation de sécurité de niveau très secret d’ici 30 jours et exige à ce que le premier ministre Justin Trudeau divulgue les noms présents dans des documents secrets sur les parlementaires qui seraient impliqués ou risquant d’être impliqués dans une ingérence étrangère.

Lors de l’enquête sur l’ingérence étrangère cette semaine, M. Trudeau a affirmé que le chef conservateur Pierre Poilievre avait refusé d’obtenir l’autorisation pour voir les noms des conservateurs figurant dans ces documents, tandis que M. Poilievre a accusé le premier ministre de mentir et a exigé qu’il rende tous les noms publics.

Le premier ministre Trudeau a reconnu que les documents comprenaient les noms de membres d’autres partis, y compris les libéraux, mais a déclaré que, si M. Poilievre n’obtenait pas l’autorisation nécessaire pour savoir qui est en danger, il ne pourrait prendre aucune mesure pour prévenir ou limiter l’impact.

La députée conservatrice du Manitoba Raquel Dancho a déclaré au comité que le fait que M. Poilievre obtienne un breffage serait un «ordre de bâillon» contre toute critique du gouvernement sur l’ingérence étrangère.

«Nous pouvons mettre un terme à cette affaire, ça se transforme rapidement en une sorte de chasse aux sorcières à la McCarthy à cause des actions du premier ministre et nous pourrions clarifier la situation aujourd’hui en publiant les noms», a soutenu Mme Dancho.