Montréal a perdu le tiers de sa neige depuis 1863
MONTRÉAL — Montréal recevait au tournant du millénaire environ un tiers moins de neige en hiver qu’au milieu du XIXe siècle, révèle l’analyse de décennies de données météorologiques compilées par l’Université McGill.
«On se rend compte qu’on est plus obsédés par la neige aujourd’hui qu’on l’était auparavant, même s’il y avait plus de neige avant, justement parce que c’était habituel qu’il y en ait plus», a dit le professeur Frédéric Fabry, qui dirige notamment l’École de l’environnement Bieler à McGill.
«Par contre, les inondations sont tout aussi catastrophiques.»
L’Observatoire météorologique de McGill est le plus vieux du Québec et le deuxième plus ancien au Canada. Fondé en 1863, toutes les données qui y ont été enregistrées jusqu’en 1992 l’ont été à la main, souvent plusieurs fois par jour, dans de grands cahiers semblables à des livres de comptabilité.
C’est pour exploiter toute la richesse de ces données qu’a été mis sur pied en 2018 le projet SAM (sauvetage d’archives météorologiques), qui est dirigé par la docteure Victoria Slonosky de McGill.
Le but du projet est de numériser ces informations pour en faciliter l’étude, l’analyse et le partage. La tâche est toutefois d’une ampleur colossale: on a calculé qu’il faudrait entre 45 000 et 50 000 heures de travail pour tout retranscrire, soit l’équivalent de toute une vie de travail.
«Un collègue américain m’a fait remarquer que c’est comme demander à tous les spectateurs d’un match de football de travailler une heure», a dit le professeur Fabry.
Les responsables ont donc décidé de se tourner vers le modèle de la science citoyenne en faisant appel à des bénévoles pour s’attaquer à ce véritable travail de moine. Leur collaboration a permis, jusqu’à présent, de retranscrire environ le quart des données manuscrites.
La première étape a consisté à numériser les microfilms qui avaient déjà été faits de toutes ces données afin qu’ils puissent être disponibles en ligne.
«Puisque les gens ne peuvent pas venir aux livres, il fallait que les livres aillent aux gens», a résumé le professeur Fabry.
Les images sont toutefois un peu irrégulières, a-t-il ajouté, «et il n’y avait pas moyen d’automatiser le processus».
On a bien essayé de demander aux ordinateurs de faire le travail, a dit le professeur Fabry, mais les résultats ont été «désastreux». Les machines sont en effet incapables, du moins pour le moment, de déchiffrer la calligraphie de chaque personne, ou encore d’interpréter les différents raccourcis (comme les symboles qui indiquent une répétition) utilisés par les humains.
Avant 1975, cite-t-il en exemple, la pression barométrique était enregistrée en pouces de mercure en raison du système impérial.
«Une mesure régulière de pression, c’est 30.234 pouces de mercure, a dit le professeur Fabry. Si la mesure suivante est identique, (la personne va) réécrire seulement 234. Mais si on entre ça directement dans une machine, imaginez le désastre…»
L’objectif, a-t-il ajouté, est de pouvoir comparer le présent et le passé avec les mêmes normes.
«Qu’est-ce qui a changé? Qu’est-ce qui est plus fréquent, qu’est-ce qui est moins fréquent? On était intéressés à savoir les détails du climat du passé pour pouvoir mettre mieux en lumière le climat du présent et comment celui-ci change et dans quelle mesure ces changements sont importants», a dit le professeur Fabry.
Changements climatiques
Le projet acquiert une tout autre pertinence dans le contexte des changements climatiques dont on ressent de plus en plus les effets, a estimé M. Fabry.
«Pour savoir comment le climat change, il faut savoir comment il était avant, a-t-il dit. Et avec des informations détaillées, on peut voir par exemple si des accumulations rapides (d’eau) sur deux heures comme on en voit dans les orages maintenant, est-ce qu’on voyait ça avant?»
Le projet SAM, a ajouté le professeur Fabry, illustre comment nos vulnérabilités face à la météo ont évolué au fil du temps, puisque notre société change en même temps que le climat.
Par exemple, à une certaine époque, on enregistrait ce qu’on appelait «les conditions de glisse», puisque les déplacements se faisaient à bord de traîneaux tirés par des chevaux. On s’intéressait aussi au moment où le fleuve Saint-Laurent était suffisamment gelé pour pouvoir être traversé, puisque Montréal était une île avant la construction du pont Victoria.
Mais au fil du temps, les préoccupations ont changé, a-t-il fait remarquer.
«Avant l’électrification, une pluie verglaçante, ça ne dérangeait personne, a dit le professeur Fabry. Mais aujourd’hui, la société est tellement dépendante à l’électricité que tout s’arrête (en cas de panne).»
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Sur internet :
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