Des guérilléros menacent la COP16, les Canadiens doivent faire preuve de prudence
MONTRÉAL — Les Canadiens qui se rendent en Colombie dans les prochains jours pour participer à la COP16 sur la biodiversité sont invités à faire preuve d’une grande prudence, alors que des guérilléros ont menacé de semer le «chaos» pendant l’événement.
Les autorités colombiennes ont mis en place un imposant dispositif de sécurité pour accueillir, dans la ville de Cali, les 12 000 participants à la Conférence de l’ONU sur la biodiversité.
Plus de 4000 policiers supplémentaires se sont joints aux 6000 agents réguliers de la ville et ceux-ci seront appuyés par 1600 soldats de l’armée nationale colombienne.
«Ce déploiement est important et en même temps, il est très révélateur de la fragilité et de l’instabilité de la sécurité dans cette région de la Colombie», a indiqué le chercheur Eduardo Álvarez-Vanegas, en entrevue avec La Presse Canadienne.
Les affrontements entre les autorités colombiennes et certains groupes armés se sont intensifiés dans les dernières semaines.
Par exemple, le 16 octobre, le ministère de la Défense de la Colombie a annoncé avoir porté «un coup dur aux dissidents d’Iván Mordisco» en tuant huit combattants de ce groupe de guérilléros dans le département amazonien de Caqueta.
Iván Mordisco est le principal chef de la dissidence des Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC).
Il est à la tête de l’État-major central (EMC), un groupe qui, selon ce que rapportent les médias colombiens, a menacé récemment de faire dérailler la COP16 et averti «les délégués de la communauté nationale et internationale de s’abstenir d’assister» à l’événement, promettant qu’il serait un «fiasco».
Selon Eduardo Álvarez-Vanegas, chercheur au Center for the Comparative Study of Civil War à l’université de York, au Royaume-Uni, ces combattants «veulent profiter politiquement d’un événement aussi important pour montrer au monde qu’ils existent».
M. Álvarez-Vanegas a travaillé dans un centre de recherche qui a conseillé le gouvernement colombien lors du processus de négociation qui a mené à l’accord de paix avec les FARC en 2016.
Selon lui, le groupe de dissidents d’Iván Mordisco a prouvé dans le passé qu’il «peut mener de petites actions militaires qui nécessitent une logistique simple» et «peu de main-d’œuvre», mais qui peuvent «causer beaucoup de dommages à travers des attaques terroristes».
Mais est-ce que ce groupe a la capacité de menacer la sécurité de la COP16 à Cali?
«Peut-être qu’il pourrait le faire en sous-traitant ou en activant des cellules dormantes dans la ville. Je n’en suis pas sûr, mais je crois qu’ils essaieront certainement de commettre des actions militaires en périphérie de Cali.»
Les groupes comme l’État-major central s’attaquent habituellement aux autorités dans les régions rurales, plutôt que dans les centres urbains comme Cali.
«Comme à Jamundi, une municipalité à 30 kilomètres de Cali où le groupe a récemment commis un acte terroriste majeur», a souligné le chercheur.
Le père de la vice-présidente Francia Marquez et d’autres membres de sa famille ont récemment survécu à une attaque armée dans cette petite ville située au sud de Cali, dans le département de la Valle del Cauca.
La Valle del Cauca est à éviter
Le ministre fédéral de l’Environnement, Steven Guilbeault, doit participer au sommet sur la biodiversité ainsi que les membres de plusieurs organisations canadiennes.
Les conseils aux voyageurs publiés par Affaires mondiales Canada recommandent d’éviter «tout voyage non essentiel» dans certains départements de la Colombie en raison «des activités criminelles liées aux stupéfiants auxquelles se livrent des groupes armés illégaux et d’autres organisations criminelles».
La Valle del Cauca est à éviter, selon le gouvernement, à l’exclusion de certaines villes, dont Cali.
«En Colombie, la force de l’État est assez importante au sein des villes. Mais le contrôle de l’État est quand même moins prononcé dans les régions rurales. C’est l’une des raisons pourquoi ces groupes armés sont capables de s’installer dans ces régions», a résumé le chercheur à l’Université de Stockholm Simon Pierre Boulanger Martel, dont les recherches portent notamment sur les Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC).
Des dissidents qui refusent de baisser les armes
Les FARC ont signé un accord de paix avec la Colombie en 2016 après des décennies de conflit armé.
Mais des dissidents ont refusé les termes de l’accord pour former l’EMC.
«Ensuite ce groupe s’est étendu pour aller chercher d’autres structures ailleurs en Colombie et il est devenu une organisation parapluie de différents groupes qui ont décidé de continuer la lutte armée», a expliqué Simon Pierre Boulanger Martel.
Il a ajouté que certaines des organisations qui ont formé l’EMC «dépendent des structures de l’économie illicite, comme la coca».
L’EMC a plusieurs fois annoncé qu’il ne «se désarmera pas» tant qu’il ne voit pas de changements structurels dans la société colombienne, a expliqué Eduardo Álvarez-Vanegas.
«Dans leur rhétorique, la fin de la pauvreté, le changement de modèle économique et l’arrêt de l’aide militaire américaine sont les changements structurels que la société colombienne doit apporter pour mettre fin à la lutte armée», a précisé le chercheur Álvarez-Vanegas.
Dans un communiqué de presse publié au début du mois d’octobre, le ministre colombien de la Défense, Iván Velásquez, a affirmé que «grâce à l’important travail réalisé par la police et les forces militaires, la sécurité de la COP16 est garantie».
Selon le même communiqué de presse, plus de 100 ministres et 12 chefs d’État participeront au sommet qui se déroule du 21 octobre au 1er novembre.