Washington menace Israël de couper l’armement s’il ne facilite pas l’humanitaire
L’administration Biden a prévenu Israël qu’il devait augmenter d’ici 30 jours la quantité d’aide humanitaire que l’État hébreu autorise à entrer dans la bande de Gaza, sans quoi l’État hébreu risquait de perdre l’accès au financement américain pour les armes.
Dans une lettre datée de dimanche, le secrétaire d’État américain, Antony Blinken, et le secrétaire à la Défense, Lloyd Austin, ont averti leurs homologues israéliens que des changements devaient avoir lieu.
La lettre, qui réitère la politique américaine en matière d’aide humanitaire et de transferts d’armes, a été envoyée dans un contexte de détérioration des conditions dans le nord de la bande de Gaza.
Elle souligne aussi qu’Israël a mené une frappe sur un site de tentes à côté d’un hôpital dans le centre de la bande de Gaza, qui a fait au moins quatre morts et déclenché un incendie qui a laissé plus de deux douzaines de personnes gravement brûlées.
Une lettre similaire que M. Blinken avait envoyée aux responsables israéliens en avril dernier a permis d’accroître l’aide humanitaire vers le territoire palestinien, a déclaré mardi le porte-parole du département d’État, Matthew Miller. Mais cela n’a pas duré.
Selon M. Miller, l’aide a chuté de plus de 50 % par rapport à son sommet.
«Le secrétaire (Blinken) ainsi que le secrétaire Austin ont donc pensé qu’il était approprié de faire comprendre au gouvernement israélien qu’il doit à nouveau procéder à des changements, pour que le niveau d’aide parvenant à Gaza remonte par rapport aux niveaux très, très bas qu’il atteint aujourd’hui.»
Pour qu’Israël continue à bénéficier d’un financement militaire étranger, le niveau d’aide humanitaire entrant dans la bande de Gaza devra augmenter à au moins 350 camions par jour, préviennent MM. Austin et Blinken. De plus, Israël devra instaurer des pauses humanitaires supplémentaires et renforcer la sécurité des sites humanitaires. Ils déclaraient qu’Israël avait 30 jours pour répondre à ces exigences.
«Cette lettre n’était pas destinée à être une menace», a déclaré mardi aux journalistes John Kirby, porte-parole de la Maison-Blanche chargé de la sécurité nationale. «Elle avait simplement pour but de réitérer le sentiment d’urgence que nous ressentons et le sérieux avec lequel nous le ressentons, quant à la nécessité d’une augmentation, d’une hausse spectaculaire, de l’aide humanitaire.»
Un responsable israélien a confirmé qu’une lettre avait été remise mais n’a pas discuté de son contenu. Ce responsable, s’exprimant sous couvert d’anonymat pour discuter d’une question diplomatique, a confirmé que les États-Unis avaient soulevé des «préoccupations humanitaires» et faisaient pression sur Israël pour qu’il accélère l’acheminement d’aide vers la bande de Gaza.
Affamer le Hamas?
La lettre, dont un journaliste d’Axios a publié une copie en ligne, a été envoyée pendant une période de frustration croissante au sein de l’administration américaine. Washington estime que malgré des demandes répétées et de plus en plus fortes de réduire les opérations offensives, les bombardements israéliens ont entraîné des morts civiles inutiles et risquent d’entraîner la région dans une guerre beaucoup plus vaste.
«Nous sommes particulièrement préoccupés par le fait que les récentes mesures prises par le gouvernement israélien, notamment l’arrêt des importations commerciales, le refus ou l’entrave de 90 % des mouvements humanitaires» et d’autres restrictions ont empêché l’acheminement de l’aide, ont déclaré MM. Blinken et Austin.
L’administration Biden multiplie les appels à son allié et principal bénéficiaire de l’aide militaire américaine pour atténuer la crise humanitaire dans la bande de Gaza tout en assurant que le soutien américain à Israël est inébranlable, à trois semaines de l’élection présidentielle américaine.
Le financement d’Israël a longtemps pesé dans la politique américaine et M. Biden a déclaré ce mois-ci qu’«aucune administration n’avait aidé Israël» plus que la sienne.
Les groupes d’aide humanitaire craignent que les dirigeants israéliens n’approuvent un plan visant à bloquer l’aide humanitaire dans le nord de la bande de Gaza pour tenter d’affamer le Hamas, ce qui pourrait aussi piéger sans nourriture, eau, médicaments et carburant des centaines de milliers de Palestiniens qui ne veulent pas ou ne peuvent pas quitter leur logis.
Les responsables humanitaires des Nations unies ont déclaré la semaine dernière que l’aide entrant dans le territoire palestinien était à son plus bas niveau depuis des mois. Environ 80 camions sont entrés par les points de passage du nord de la bande de Gaza depuis le 1er octobre, contre environ 60 camions par jour auparavant, selon le site Internet de l’ONU qui suit les livraisons.
L’Administration civile israélienne dans les Territoires palestiniens (COGAT), l’organisme qui facilite les passages d’aide vers la bande de Gaza, a nié que les points de passage dans le nord aient été fermés.
Droit international
Les responsables américains ont déclaré que la lettre avait été envoyée pour rappeler à Israël ses obligations en vertu du droit international humanitaire et l’obligation légale de l’administration Biden de veiller à ce que la livraison de l’aide humanitaire américaine ne soit pas entravée, détournée ou retardée par un bénéficiaire de l’aide militaire de Washington.
L’offensive de représailles d’Israël depuis les attaques du Hamas du 7 octobre 2023 a tué près de 42 000 personnes dans la bande de Gaza, selon le ministère de la Santé du territoire, qui ne fait pas de distinction entre civils et combattants dans son bilan. Les attaques du Hamas qui ont déclenché cette guerre ont tué environ 1200 personnes, principalement des civils, et les militants en ont enlevé 250 autres.
Les États-Unis ont dépensé un montant record d’au moins 17,9 milliards $ en aide militaire à Israël depuis le début de cette guerre et l’escalade du conflit au Moyen-Orient, selon un rapport du projet «Costs of War» de l’Université Brown.
Cette aide a permis à Israël d’acheter des milliards de dollars de munitions, utilisées par la suite dans ses opérations contre le Hamas dans la bande de Gaza et contre le Hezbollah au Liban. Plusieurs de ces frappes ont également tué des civils dans les deux régions.